TCHALÉ FIGUEIRA
ou la tête dans les étoiles
par Roger Pierre Turine
ou la tête dans les étoiles
par Roger Pierre Turine
L’HOMME A LA TÊTE D’UN GRAND CHEF INDIEN QU’AURAIT BURINÉ LE SOLEIL DES OCÉANS. AJOUTEZ QUE CE
PERSONNAGE DE LÉGENDE, S’IL N’ÉTAIT D’AUJOURD’HUI, EST UN PEINTRE QUI SE DOUBLE D’UN MUSICIEN ET VOUS
COMPRENDREZ QUE SON AURA, POUR QUI L’ABORDE, A DE QUOI VOUS REMUER LES MÉNINGES.
D’avoir pu l’honorer d’une citation au Prix Blachère du Dak’Art 2008 me fut un grand bonheur. J’avais,
pour tout dire, remarqué sa peinture à Dakar déjà en 1996, à ma toute première visite en Afrique. Ses
tableaux colorés et joyeux, assortis de pêcheurs et poissons étranges, bleus ou rouges, présentaient
un caractère inédit, corsé, qui me plaisait. Je revis l’homme et son oeuvre deux ans plus tard et lui
découvris en sus d’inoubliables talents de batteur de djembé, aux sons déferlant sur les contreforts
de Gorée. Nous nous sommes écrits et puis perdus de vue. Aussi, sa participation dans le Off de
2008, dix ans après, agit-elle sur moi en surprise d’autant plus heureuse que l’oeuvre nouvelle – des
peintures et des dessins – me conforta rapidement dans la sensation d’un mûrissement décisif de son
travail. Une quête emplie de mystère et, partant, d’une mythologie très personnelle. Réceptacle d’une
imagination poétique et ludique plus que sympathique, en prise franche sur un univers alternatif à
réfléchir dans la sérénité face à un monde qui, contrariété sans cesse alourdie, n’en finit plus de nous
déposséder de nos valeurs, de nos repères affectifs ou fondamentaux.
Dans le contexte d’un Dak’Art de très petite tenue, aux découvertes trop rares, que le jury du Prix
Blachère se força à débusquer et quatre de ses lauréats en témoignent, Tchalé Figueira, le cinquième
de ceux-là, fait surtout figure de confirmation, inattendue et bienvenue. Inattendue car, depuis dix
ans, le puissant insulaire semblait avoir fui la presqu’île du Cap-Vert, lui le natif des îles du même
nom, bien au large du Sénégal. Métaphores du vécu des Capverdiens, interprétations allusives du
burlesque des carnavals populaires, petites histoires farfelues dopées par un humour bien trempé,
écriture synthétique et graphique, Figueira a rompu, ce faisant, avec un penchant antérieur pour les
images plus musclées, dénonciatrices des dictatures, du machisme et autres politiques outrageantes.
Baroudeur du subconscient, ce créateur sans filet, qui avoue ses admirations pour Modigliani,
Ensor, Bacon ou Cy Twombly, a, par ailleurs, délaissé ses couleurs vives d’hier pour un noir et blanc
que tranchent quelques traces colorées. Quant au noir du fond de ses travaux, il nous l’explique en
référence aux ardoises de l’école coloniale.
Ce n’est pas tout : peintre et musicien, Figueira est aussi poète et auteur
de romans et de contes. De ses îles du Cap-Vert, l’arc de cet homme doit viser loin pour atteindre ses
cibles. Avec plus d’une flèche à son arc, il a tout pour y parvenir.
7 DAK’ART 08
TCHALE FIGUEIRA
Peintre né à São Vivente au Cap Vert le 2 octobre 1953, Tchale Figueira réside et travaille à Mindelo.
Périodiquement, il écrit et publie des textes poétiques, notamment Todos os naufrágios do Mundo en 1992,
Onde os sentimentos se encontram (1998) et O azul e a luz (2001). En 2005, sortent ses romans Solitario et
Ptolomeu Rodrigues. En 2007, il publie une anthologie de contes cap-verdiens, Tchuba na Desert.
Il est en couverture de la Revue noire de septembre 1993 et a exposé en de maintes occasions en Suisse, au
Portugal, en France, en Espagne, en Allemagne, en Autriche, aux Etats-Unis, au Sénégal et au Cap Vert.
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